jeudi 24 juillet 2014

L'aventure de la propriété

Comme j'ai raconté ici nos aventures immobilières, je me dois de partager avec vous le dernier épisode de cette saga entamée il y a près de trois ans : notre probable accession prochaine à la propriété.
Après avoir fui les bruyantes hordes étudiantes de l'Ouest du campus, puis un appartement du Nord du campus ayant connu une invasion de rats, nous nous apprêtons encore à déménager avec mon conjoint chercheur qui a pour l'instant renoncé à rejoindre la recherche publique française et s'épanouit à l'Université du Texas.
Austin Midtown Apartments. Photo : Austin Midtown.
Mais il ne s'agit pas cette fois d'améliorer notre cadre de vie (pas trop dégueulasse comme vous pouvez le voir sur ce cliché) ou d'échapper à une hausse de loyer. Assez étonnement (étant donné que les loyers ont augmenté de 3% par rapport à l'année dernière en moyenne à Austin), le complexe d'appartement sur lequel nous avons jeté notre dévolu il y a un an nous proposait de resigner au même tarif.
(A condition toutefois de se réengager pour un an, ce qui au Texas signifie qu'on reste responsable du règlement de ledit loyer dans le cas où le nouvel occupant de l'appartement qu'on aurait quitté de façon anticipée ne le paierait pas -très peu pour nous, merci !
Pour être libéré de toute obligation dans le cas où on devrait quitter notre location de façon anticipée, il faudrait payer une pénalité équivalent à 85% du loyer mensuel, soit environ 940$ dans notre cas.)
Bref. Sans perspective de retour en France à court terme ni de négociation avec notre propriétaire, nous avons décidé de ne pas renouveler notre bail et de tenter de devenir propriétaires.
Allandale condo. Photo : AustinLuxuryRealty.com.
Je pense que le déclic a eu lieu il y a plusieurs mois déjà, quand l'hôtel de notre rue réaménagé en complexe d'appartements a organisé des portes ouvertes, que nous nous y sommes rendu par pure curiosité et nous sommes alors rendu compte qu'avec ce que nous payons en loyer, nous pourrions financer un appartement équivalent en une dizaine d'années. Je n'avais jamais eu connaissance de tels ratios et j'ai alors commencé à étudier très sérieusement la possibilité de devenir propriétaires.
Toute la difficulté pour de simples "visiteurs" des Etats-Unis séjournant dans le pays avec un visa J était de décrocher un prêt. Nous avons rencontré un représentant de notre banque (la Wells Fargo pour la nommer) qui nous a demandé un apport de 40%. D'accord, merci la Wells Fargo, on te revaudra ça. T'avais qu'à nous dire non directement, ça aurait été plus simple.
Egalement habituée aux clients internationaux, Chase nous a paru, de prime abord, plus ouverte. Elle ne demandait "que" 25% d'apport. Mais finalement le caractère précaire de l'emploi de chercheur de mon conjoint a bloqué (même si on nous a au départ laissé entendre que les salariés texans pouvant être licencié du jour au lendemain, ce ne serait pas un problème...).
Nos espoirs se sont alors reportés sur la banque mutualiste servant de nombreux personnels et étudiants de l'université du Texas. Mais alors même que nous donnions notre préavis, cette dernière a commencé à poser des questions stupides montrant qu'ils ne comprenaient pas beaucoup mieux notre statut et notre visa qu'une banque classique.
Saisie écran sur Zillow.com.
En parallèle, nous continuons d'échanger avec la société United Lending avec laquelle nous avait mis en contact une agente immobilière nous ayant montré un appartement dans une résidence toute proche de la nôtre qui nous plaît beaucoup. Sorte d'agrégateur d'offres d'emprunts immobiliers (un "mortgage broker"), nous espérions que cette entreprise pourrait faire avancer notre dossier. Mais ces sociétés sont apparemment plus motivées par les demandes formulées par les agents immobiliers avec lesquels elles ont l'habitude de travailler que celles des personnes qui vont effectivement rembourser l'emprunt. J'imagine que les agents immobiliers reversent une partie de leurs commissions aux prêteurs, mais je fais peut-être du mauvais esprit, et peut-être que tout le monde essaye simplement de développer l'activité au maximum, tout en respectant les règles plus strictes adoptées après la crise des subprimes.
Quoiqu'il en soit, j'ai eu beau harceler les différents intervenants par mail et par téléphone, force est de constater que notre dossier à nous s'est débloqué une fois que je nous ai choisi une agente immobilière pour nous représenter et qu'elle a appelé le prêteur avec lequel elle a l'habitude de travailler.
Désormais officieusement "approuvés" pour un emprunt à 3,5% avec 20% d'apport, nous avons commencé à visiter des appartements hier après-midi. Et il me faut maintenant vous dire un mot du marché immobilier à Austin.
Comme je l'écrivais récemment, la capitale du Texas est en plein boom démographique : Austin accueille chaque jour 140 nouveaux habitants (110 immigrés et 30 naissances). Donc forcément la demande de logements aussi. Et même si les constructions sont reparties à la hausse depuis un peu plus de deux ans, comme le montre ce graphique de l'association nationale des agents immobiliers portant sur la région d'Austin, "le déficit de l'offre de logements dans la région d'Austin a empêché le marché de progresser au cours du premier semestre 2014", regrettait la responsable de l'étude des transactions immobilières de l'association des agents immobiliers d'Austin en annonçant les statistiques du mois dernier et en faisant le bilan de la première moitié de l'année.
From the Austin-Round Rock market report of the National Association of Realtors. 
Qu'on se rassure toutefois : "Les développeurs mettent les bouchées doubles à la fois sur le développement de nouvelles maisons et la livraison de lots pour répondre à la forte demande de logements et devraient dépasser les chiffres de l'année dernière", prévoit l'association des agents immobiliers d'Austin.
Mouais. Avec 2,75% de croissance démographique cette année, encore 2,25% prévus l'année prochaine, 2% en 2016, puis 1,75% annuels jusqu'en 2019, je sens que les prix des logements ne vont pas baisser pour autant...
Bingo ! Comme on peut le voir sur ce graphique de la Greater Tyler association of realtors portant sur la région d'Austin, si elle semble avoir atteint un plateau nationalement et à l'échelle de l'Etat du Texas, la valeur des biens immobiliers monte ici en flèche. Pour combien de temps ? L'avenir nous le dira. Mais notre agente immobilière table sur encore deux années à ce rythme et un collègue de Cyril ayant acheté il y a huit ans au Nord-Est d'Austin a vu la valeur de sa maison prendre 80% en huit ans.

Le marché des appartements sur lequel nous tentons de nous positionner est le plus tendu de tous. Selon le dernier bilan de l'Austin Board of Realtors, le prix médian des condos (l'appellation états-unienne des copropriétés) a augmenté de 10% au premier semestre par rapport à la première moitié de l'année dernière, bien que l'offre ait également augmenté de 10% dans le même temps, et ils sont restés en moyenne 44 jours sur le marché, soit treize jours de moins qu'au premier semestre 2013.
Pendant ce temps, le prix médian des maisons individuelles n'a augmenté "que" de 7%. Voilà ce que ça donne dans la base de données du centre de recherche sur l'immobilier de l'Université Texas A&M.
From Texas A&M University Real Estate Center's Austin MLS housing activity.
Ça donne presque envie de s'installer au fond d'une allée dans un lotissement calme et propret sans magasins, restaurants, ni cinéma, mais je ne suis pas sûre que les Européens que nous sommes sont prêts à sauter le pas de la vie de banlieusard états-unien contraint de scrupuleusement entretenir sa pelouse sous peine de mesures de rétorsion du voisinage...
Ce qui est sûr pour l'instant, c'est qu'avec notre budget, on ne peut rien acheter de correct dans le centre ou même dans notre quartier actuel.
Saisie écran des résultats correspondant à notre recherche sur AustinHomeSearch.com.
Nous nous apprêtons donc à poursuivre notre migration vers le Nord et je croise les doigts pour que les prévisions du démographe d'Austin sur la saturation prochaine du segment des appartements de luxe dans la capitale du Texas (cf. le Multifamily report sur le site de la Ville) s'avèrent exactes. Il est temps de vendre aux gens normaux aussi !
Je vous raconterai ce que donnent nos recherches et à quelle vitesse nous devrons nous décider pour éviter que les apparts nous passent sous le nez.

lundi 21 juillet 2014

Austin, la ville où les Afro-Américains disparaissent

"Parmi les grandes villes à forte croissance, Austin est la seule dont la population afro-américaine diminue" : "tandis que la population de la capitale du Texas a augmenté de 20,4 % entre 2000 et 2010, sa population afro-américaine a baissé de 5,4 %".
C'est le Texas Tribune qui s'est fait l'écho de ce constat dressé dans un récent rapport de l'Institut pour la recherche et l'analyse des politiques urbaines de l'Université du Texas.

Photo :
David Chapel missionnary baptist church,
http://www.davidchapel.org/
"Il y a une déconnexion entre l'image [progressiste d'Austin] et ce qu'il se passe sur le terrain", explique le révérend Joseph C. Parker Jr., qui pointe notamment les inégalités économiques dans ses réponses au Texas Tribune.

Moi qui ai largement couvert les thématiques migratoires, notamment sous l'angle social, j'ai été très intéressée de constater que les chercheurs faisaient un lien direct entre immigration illégale et difficultés économiques de la population afro-américaine.
"L'économie croissante des services et l'abondance de nouvelles constructions résidentielles et commerciales à Austin repose avant-tout sur une main-d'oeuvre immigrée, principalement des travailleurs sans-papiers d'Amérique Latine. Les employeurs favorisent ces travailleurs par rapport aux non-immigrés, car du fait de leurs statut migratoire précaire, ils sont perçus comme plus flexibles que la main-d'oeuvre non-immigrée -ils travaillent plus longtemps pour des salaires inférieurs."

Les chercheurs vont poursuivre leurs recherches afin d'identifier les mesures les plus efficaces pour lutter contre cette exception austinite peu flatteuse.

Photo : Austin’s African American Cultural Heritage District, http://www.aachd.org/
En attendant les réformes de fond qui permettraient d'inverser la tendance, le Texas Tribune signale l'existence d'une association dédiée à la préservation et la mise en valeur de l'héritage afro-américain d'Austin, l'Austin’s African American Cultural Heritage District, qui organise notamment des visites guidées du quartier historiquement afro-américain de l'Eastside.

Avant d'en suivre une, je partage avec vous quelques clichés du dernier MLK Day que je n'ai jamais pris le temps de chroniquer, mais qui m'a laissé un drôle d'impression de communauté en voie de disparition. C'est maintenant scientifiquement prouvé !